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LA PENSÉE DE FRÈRE ANTOINE

kaleidoscope brainstorm
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Un dimanche, un jeune homme du Muy est venu me voir. Il me dit en prenant le thé: « Et après la mort, vous croyez qu’il y a quelque chose?»

Je lui répondis en bredouillant beaucoup: «Toutes les réponses sur cette question sont du domaine des croyances et non de l’expérience. Je pourrais te raconter tout ce que disent lès religions là-dessus; une fois que tu seras rentré chez toi, ça rentrera dans le grand réservoir commun des croyances et ta vie n’en sera pas changée. Pour comprendre la mort et la vie après la mort, il faut comprendre la vie éternelle dans son présent, maintenant, sans fuite aucune et donc se comporter dans tous les événements de la vie concrète à l’inverse de ce que l’on fait quotidiennement. » Or, c’était un gars curieux et travaillé par l’Esprit. Il repartit après avoir bu son thé et, à sa démarche, je vis quand il s’éloignait qu’il avait compris – quelque chose.

Quand il arriva au bout du chemin, plus de voiture. Il descendit les bras ballants au village, tout à fait décontracté et sans se poser de questions sur ce qu’elle était devenue ou qui l’avait prise. Il arriva chez lui assez tard et, ouvrant la porte de la chambre à coucher, il trouva sa femme dans le lit avec un autre gars, laquelle lui dit simplement: «J’ai cru que tu ne rentrerais pas. Retourne dix minutes d’où !u viens, on verra après. ». Mon garçon, qui n’était marié que depuis trois mois mais qui marchait à rebours, c’est-à-dire à l’endroit depuis trois heures, ne broncha pas. Il s’en alla à la cuisine, prépara deux cafés, les porta à sa femme et à son amant et s’allongea sur le bord du lit, du côté d’elle, dans la meilleure position d’attente et quand l’autre fut parti (ce qui ne tarda guère), il prit sa femme dans ses bras avec autant d’amour que de silence.

Le lendemain matin, il se rendit à son travail à pied. Mais il y avait un autre ouvrier embauché à sa place et le patron lui dit d’aller voir ailleurs.

La première épreuve, il l’avait avalée comme une potion amère, la seconde, dit-il, comme un dépassement victorieux mais douloureux; la troisième épreuve était accompagnée d’une tentation violente de faire marche arrière pour toutes les trois à la fois, mais il était trop tard. Il est remonté me voir en courant et il s’est jeté dans mes bras en disant: ­«C’est tout vrai. Je crois, non, je sais la vie éternelle.»

AILLEURS, AUTREMENT…

Quoi de plus paradoxal et de plus dérangeant, en cette fin de siècle dominée par le matérialisme, que l’ermite retiré dans sa grotte – dénué de tout et heureux de l’être ? Sous prétexte qu’il adresse un pied de nez aux valeurs sacro-saintes de notre société – argent, sexe et pouvoir -, doit-on le taxer de marginal et négliger la nostalgie qu’il peut éveiller en nous ? Si, selon son témoignage, l’unique nécessaire réside dans le fait d’être, sans les dérisoires béquilles de nos possessions, cela ne l’empêche pas d’accueillir, l’esprit libre et le cœur léger, tous ceux qui viennent à lui. Résolument ancré sur le Rocher de Roquebrune où il a élu domicile, frère Antoine jouit du recul nécessaire pour être le critique souriant d’un monde à maints égards en voie d’asphyxie, lui apportant une salutaire bouffée d’air frais.